Bernard Delcros : "Beaucoup de choses ont été faites pour la ruralité mais on n'est pas au bout du chemin !"

Le Parlement rural français tenait à Albi sa troisième session territoriale le 26 avril 2024, organisée en partenariat avec La Poste et consacrée aux "Services publics, services aux publics". L'occasion pour son président, Bernard Delcros, sénateur du Cantal, de revenir sur les avancées obtenues pour les territoires ruraux et sur les actions qu'il reste à mener.

Localtis - Quel premier bilan le Parlement rural français tire-t-il du plan France ruralités ?

Bernard Delcros, sénateur du Cantal, président du Parlement rural français -  Zones de revitalisation rurale (ZRR) pérennisées sous la forme de France ruralités revitalisation (FRR), dotation aux communes pour valoriser les aménités rurales, maisons France services, programme Villages d'avenir… Le bilan est important.
Au sujet des FRR, il y a encore des ajustements à réaliser mais il y a aujourd'hui davantage de communes intégrées au dispositif que dans les ZRR, qui était un dispositif menacé de disparition, et les mesures ont été renforcées. Le dispositif est donc meilleur. Il a fallu quatre ans de travail, deux rapports, une proposition de loi sur le sujet, ce n'était vraiment pas gagné. Mais nous avons remporté ce combat et Dominique Faure, ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité, a accompagné cette réforme avec conviction.

Quelles sont les autres avancées et y a-t-il d'autres chantiers à lancer ?

Nous avons aussi obtenu une belle avancée concernant la dotation pour les aménités rurales, qui vise à reconnaître les services rendus par la ruralité à la société tout entière, avec une modification des critères d'éligibilité, tenant compte non plus seulement du nombre d'habitants mais aussi de la surface du territoire protégé, et une enveloppe portée à 100 millions d'euros.
Concernant les maisons France services, nous avons demandé à Stanislas Guerini, ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, d'enrichir l'offre de services, de mieux valoriser le métier des conseillers qui accueillent les habitants et d'améliorer la dotation financière. Pratiquement la totalité de nos propositions ont été retenues dans la loi de finances pour 2024. Enfin, le programme Villages d'avenir est désormais opérationnel. Donc de nombreuses mesures, inscrites dans le plan France ruralités sont aujourdhui mises en œuvre. Mais on n'est pas au bout du chemin ! Il y a notamment encore beaucoup à faire sur l'accès aux soins et l'éducation.

En matière de santé, quelles sont les idées du Parlement rural pour lutter contre les déserts médicaux ?

Il s'agit de la première préoccupation des habitants des territoires ruraux. C'est un critère central de l'attractivité de ces territoires. Il y a eu beaucoup de mesures incitatives qui n'ont pas eu d'effets suffisants sur les déserts médicaux et qui ne répondent pas totalement à cet enjeu. Il y a des positions différentes sur le sujet, entre ceux qui veulent laisser faire et ceux qui souhaitent réguler les médecins comme on le fait pour les pharmaciens ou les dentistes. Sur ce sujet, nous faisons une proposition précise et concrète. Elle s'adresserait aux étudiants qui ont validé leur première année mais qui doivent encore passer des oraux pour intégrer leur deuxième année. S'ils s'engagent à exercer au moins cinq ans dans une zone rurale sous dotée en médecins, ils pourront poursuivre leur parcours sans passer l'oral, au même titre que les "grands admis". Cela vaut le coup d'être tenté. Il faut que l'idée fasse son chemin. Cette proposition fera partie de la résolution que nous allons établir à la suite de cette troisième session du Parlement rural français.
Il y a aussi la question des pharmacies. Aujourd'hui beaucoup de ces officines ferment et les critères pour en ouvrir ou en transférer une ne sont pas adaptés au monde rural puisqu'il faut au moins 2.500 habitants. Or, s'il n'y a plus de pharmacie, cela pose la question de l'accès aux médicaments pour les habitants mais aussi de l'attractivité pour les professionnels de santé.

Et sur l'éducation, vous travaillez sur la carte scolaire. Quelles sont les propositions du Parlement rural français ?

Il y a eu une belle avancée dans le plan France ruralités. Il prévoit que la carte scolaire ne soit plus un couperet qui tombe chaque année dans une seule approche comptable, mais soit gérée dans le cadre d’une vision à trois ans et d'une concertation locale. C'est inscrit dans le plan mais ce n'est pas encore appliqué. Nous demandons à ce que tout ce qui a été inscrit puisse s'appliquer.
Nous souhaitons aussi proposer aux jeunes des territoires ruraux le même dispositif d'appel à projets prévu pour les jeunes des quartiers prioritaires de la politique de la ville pour favoriser la mobilité européenne.
Sur l'éducation enfin, nous souhaitons aussi que le service des enseignants des collèges ne soit pas partagé entre plus de deux collèges, car les distances à parcourir sont longues, et enseigner dans trois voire quatre collèges ne leur permet pas de s'investir dans les projets d’établissement ni parfois de participer aux conseils de classe.